[Dans la peau de …] Camille, ex-dermatillomane
La semaine dernière, je vous parlais de ce trouble anxieux qu'est la dermatillomanie.
Elle se prête au jeu des questions-réponses pour inaugurer le premier article de cette série d’entretien “Dans la peau de …”
Comment différencier des crises de triturage « raisonnable », qui nous arrivent à toutes lorsqu’on a de l’acné, de crise de dermatillomanie ?
Quand et comment t’es-tu rendu compte que tes crises de triturage étaient « excessives » ?
C’est une très bonne question ! Parce qu’effectivement je pense que le mot « dermatillomanie » peut faire peur si on a tendance à triturer un peu ses imperfections ou gratter ses croûtes, alors qu’on n’est pas forcément dermatillomane.
Selon moi, la dermatillomanie est un trouble psychique et se caractérise par plusieurs éléments qui la différencie d’une simple habitude sans gravité.
Déjà il y a un côté obsessionnel lié à la peau, qu’on n’arrive pas à réfréner. On y pense très souvent, on regarde aussi la peau des autres. L’état de notre peau peut aussi avoir un impact sur notre vie sociale (ex : annulations de sorties si la peau est abîmée et qu’on s’estime « insortable »).
Il y a aussi un côté irrépressible : même si on le veut et malgré les conséquences, on ne peut s’empêcher de triturer sa peau, c’est plus fort que nous. Cet aspect du comportement l’assimile à une addiction dont il est difficile de se défaire. D’ailleurs les crises s’assimilent parfois à des « transes » durant lesquelles on perd la notion du temps. Et le temps occupé par « la derma » dans la vie peut alors prendre des proportions considérables allant jusqu’à plusieurs heures.
Il devient très difficile d’en parler autour de soi et plein d’émotions gravitent autour de ce comportement : honte, culpabilité, dégoût, tristesse etc.
Personnellement, je me suis rendue compte que mes crises étaient excessives quand j’ai constaté le temps que j’y passais chaque jour (jusqu’à 3-4h le soir) et quand j’ai pris conscience que les lésions sur ma peau étaient difficiles d’une simple peau « acnéique ». J’avais des croûtes, une peau abîmée. Ce n’était pas juste une mauvaise habitude.
As-tu vécu un événement déclencheur, ou bien cela a été progressif ?
Non aucun, j’ai eu une enfance très heureuse et ai vécu dans une famille unie.
Pendant longtemps, je me suis demandée « pourquoi moi ? ». J’avais la sensation de ne pas être légitime à avoir un trouble psychique.
Pourtant, une souffrance intérieure était bien là. J’en découvrirais les tenants et les aboutissants plus tard en thérapie, mais en résumé elle reposait sur une anxiété cachée, un perfectionnisme exacerbé, beaucoup d’émotions réprimées et un fonctionnement mental différent (haut-potentiel intellectuel).
Quand et comment as-tu pu mettre un nom sur ce trouble ?
La dermatillomanie a commencé chez moi vers 12-13 ans et je n’ai découvert le terme que des années après (presque 10 ans), via un article sur Internet puis des groupes Facebook de soutien anglo-saxons (skin picking).
C’était dur aussi de mettre une « étiquette » sur cette souffrance car cela ouvrait la voie à tout un parcours de guérison plus ou moins long qui me faisait peur.
Mais cela a été un immense soulagement de découvrir que je n’étais pas seule, que ça avait un nom. Ça ouvrait alors la possibilité de solutions et donc de guérison.
Quel lien fais-tu entre acné et dermatillomanie ?
Dans mon cas, la dermatillomanie a commencé « à cause » de l’acné (vers mes 12 ans). Avec du recul, j’ai la sensation que l’arrivée de l’acné a fait exploser tous mes repères, voire mon identité.
Comme si je m’étais, jusque là, construite une image lisse, de petite fille « parfaite », sans accro. C’était inconscient, mais l’acné figurait un échec, une sorte de vulnérabilité, que je voulais cacher, supprimer. C’est comme ça qu’a commencé la dermatillomanie.
Me réfugier « dans ma peau », sans voir le temps passer, pour essayer de lisser ces imperfections que je ne voulais voir, mais aussi pour déconnecter de tous ces doutes, peurs, angoisses qui m’habitaient.
Par la suite, même si mon acné a diminué, la dermatillomanie est restée. L’acné a été comme un pont vers l’installation de ce trouble. Je trouvais toujours quelque chose à triturer, que ce soit des croûtes, irrégularités, ou juste faire sortir le sébum naturel de mes points noirs ou de mes pores.
Le trouble était installé et allait trouver un « support » pour être effectué, quoi qu’il arrive, dès que le besoin se faisait sentir. Le besoin, lui, était intimement lié à mes émotions. J’avais « besoin » de me réfugier dans la dermatillomanie quand j’étais anxieuse, frustrée, que je ressentais de la culpabilité ou de l’ennui par exemple.
Ce réflexe resterait ainsi là tant que je ne trouverai pas d’autres façons de m’exprimer, d’accueillir mes émotions, etc.
Est-ce que la naturopathie t’as permis d’améliorer les choses ? Si oui, en quoi ?
Oui énormément ! J’ai découvert la naturopathie lorsque j’avais 25 ans. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est une médecine ancestrale : celle qui a été mise en place à partir de la connaissance du corps et de la nature que les hommes avaient, avant la découverte des médicaments et de la chimie.
Elle repose ainsi sur les capacités du corps et les éléments naturels, résumés en 10 piliers dont : alimentation, exercice physique, psycho-relax, aroma / phyto / gemmo, massages, hydrothérapie etc.
Le naturopathe est un éducateur de santé qui va aider la personne à mieux comprendre SON fonctionnement et à mettre en place ce qui lui correspond le mieux à différents niveaux pour se sentir bien, voire résoudre certaines problématiques mineures si elle en a.
J’ai trouvé cette approche merveilleuse : une façon de voir la santé qui va chercher la CAUSE des différentes problématiques qu’on a, et qui invite à s’observer, se comprendre.
Je me suis alors beaucoup renseignée et ai mis en place des changements alimentaires dans ma vie qui ont eu un impact direct sur l’état de ma peau mais aussi mon humeur, mes maux digestifs et mon cycle hormonal.
J’ai appris aussi à trouver l’activité physique qui me correspondait, mais également à me détendre grâce à des techniques de respiration (j’ai aussi fait de la sophrologie en parallèle).
Ainsi, la naturopathie m’a aidée à travailler sur différentes « causes » de ma dermatillomanie pour l’atténuer petit à petit : l’anxiété, une peau à problème, des déséquilibres hormonaux qui jouaient sur mon humeur (avec par exemple un fort syndrome pré-menstruel), des troubles digestifs qui impactaient mon équilibre mental, etc.
PS : je détaille tout cela et ces apprentissages dans mon livre sur la dermatillomanie, en faisant, à chaque étape, des encarts détaillés pour aider les lecteurs à comprendre et à mettre en pratique également certaines bases.
La naturopathie m’a tellement aidée et me passionne tant que j’ai décidé de me former pour pouvoir aider des gens à mon tour ! J’ai commencé une formation au CENATHO à Paris en mai 2020 qui se termine en octobre 2021.
As-tu consulté des praticiens de santé pour la gestion du stress et des émotions ? Que penses-tu des TCC ?
Oui ! Durant des années, j’ai refusé de me faire aider en pensant que j’arriverais à m’en sortir seule. Pourtant, je souffrais beaucoup de ma dermatillomanie (mais également de boulimie et d’anxiété). Je sentais réellement que quelque chose était déséquilibré en moi.
Finalement, après 8 années de lutte, poussée par une amie, j’ai consulté un premier psychiatre qui m’a notamment initiée à la pleine conscience.
Puis j’ai consulté une psychologue avec qui j’ai fait une thérapie cognitivo-comportementale. Cette TCC m’a énormément aidée !
Je la recommande vraiment dans un trouble comme la dermatillomanie car elle va aider à mieux comprendre notre fonctionnement psychique en travaillant sur : les habitudes, les émotions et les pensées. La TCC va aider à déconstruire certains schémas pour en construire de nouveaux, plus sains.
Après, pas tout le monde n’est sensible aux thérapies « par la parole ». Certains seront plus réceptifs à un travail énergétique par exemple, ou aux thérapies corporelles. Chacun doit trouver ce qui lui correspond le mieux !
Par la suite, la sophrologie m’a également beaucoup aidée en m’apprenant à me détendre et à canaliser mes émotions.
Les médecins ou dermatologues que tu as pu consulter t’ont-ils paru informés et sensibilisés sur le sujet ? Si non, quelle était leur réaction lorsque tu évoquais la dermatillomanie ?
Non, aucun des médecins ni dermatologue ne m’ont parlé de dermatillomanie. Je ne pense pas qu’ils connaissaient ce trouble car sinon, l’aspect de ma peau et la persistance de mon « acné » malgré les différents traitements antibiotiques et crèmes préconisées, auraient pu les alerter.
La dermatologue que j’ai beaucoup vue étant ado m’a donné des années de nouveaux traitements sans réel succès sur le long terme et elle me répétait sans cesse qu’il fallait que j’arrête de toucher mes imperfections.
Une fois ma découverte du mot « dermatillomanie », j’ai compris que le problème n’était pas sur ma peau mais dans ma tête et j’ai consulté des psy plutôt que des dermatologues !
J’ai eu de la chance, je suis toujours tombée sur des thérapeutes ouverts qui ont compris lorsque je leur ai expliqué ce qu’était la dermatillomanie, même s’ils ne connaissaient pas.
Aujourd’hui, j’ai un suivi dermato après avoir eu un mélanome et j’en parle avec ma dermatologue. Elle connaissait et c’est très intéressant d’avoir des discussions avec elle sur la question !
Comment ton entourage percevait-il ton trouble ? Leur en as-tu parlé facilement ?
J’ai mis très longtemps à en parler à mon entourage. C’est quand j’ai vu un psychiatre pour la toute première fois que je l’ai avoué à ma mère. Elle a eu du mal à comprendre au début et a, durant des années, eu la certitude que j’allais arrêter avec la maturité, la coquetterie ou quand je serai plus occupée. Elle était parfois maladroite en voulant gentiment m’aider.
Mes amies proches, par contre, sont vites devenues un soutien de taille dès que je leur en parlé. Elles m’ont beaucoup rassurée et aidée à m’accepter comme je suis.
En couple, dès que la relation devenait sérieuse, j’en parlais à mes copains car je ne me voyais pas cacher une part si importante de ma vie (et de mes pensées !). Ils ont toujours su m’écouter, essayer de comprendre et de m’aider au mieux en me demandant de quoi j’avais besoin. (C’était un bon test aussi pour voir si c’était des mecs biens ;) S’ils m’avaient jugée, critiqués ou autre, pour sûr je ne serais pas restée avec eux !).
Avec le temps, ma mère et ma sœur ont compris et ont également réussi à m’aider, rien qu’en m’écoutant sans juger.
Peut-on rassurer les dermatillomanes en leur disant que c’est un trouble dont on guéri, sans risque de récidives, comme dans le cas des addictions ? Te considères-tu comme totalement guérie ?
Je n’aurais pas de réponse généraliste à cette question car finalement tout ce que je peux affirmer concerne ma propre expérience avec la dermatillomanie. De mon côté, je me sens complètement guérie oui, mais sous conditions.
Ces 15 années passées avec la derma m’ont permis d’apprendre à la connaître et de comprendre POURQUOI j’en avais été atteinte, quelle utilité elle avait dans ma vie. Pour mieux la déconstruire…
Et elle m’a surtout appris à mieux ME connaître. Je sais aujourd’hui comment agir au quotidien pour me sentir bien, les signaux à percevoir, et ce qu’il ne faut pas faire…
Je sais que si je suis trop stressée, épuisée, etc. il faudra bien que je fasse attention à moi pour ne pas avoir envie de me « réfugier dans la derma»…
Mais je sens au fil des années que mes « nouveaux exutoires », les nouvelles manières de m’apaiser que j’ai mis en place, ont petit à petit gagné du terrain sur la derma.
Je ne sais même plus quand était la dernière fois que j’ai fait une crise !
Mais je préfère rester vigilante, continuer à m’observer et prendre soin de moi. La derma est une addiction. Et ce n’est pas parce qu’on refait UNE crise qu’on repart à zéro.
Ce qui compte c’est comment on se sent au quotidien ;-)
En tout cas je suis sûre qu’au fil des années, moins on emprunte la « route de la derma » dans le cerveau, plus elle s’efface. Et je sens que chez moi elle a déjà commencé à s’effacer :-)
Comment t’es venu l’idée de créer une communauté autour de la dermatillomanie, et d’écrire un livre sur le sujet ?
Dans mes pires années de dermatillomanie, j’ai beaucoup souffert de me sentir seule, isolée, bizarre… Quand j’ai découvert le premier groupe Facebook de soutien sur ce trouble, j’ai ressenti un soulagement si intense que, plus tard, j’ai eu envie de le provoquer aussi chez d’autres.
Quand je me suis lancée à mon compte dans la Communication & la rédaction, j’ai eu du temps additionnel et j’ai décidé de mettre à profit mes compétences pro pour parler aussi de la dermatillomanie.
Je prenais conscience que, grâce à tout mon cheminement, j’avais finalement beaucoup à apporter !
J’ai été surprise de voir à quel point la communauté s’est vite développée, que tant de personnes étaient concernées… Là ça fait 2 ans ½ et on est plus de 17 000 sur Instagram !
Pour le livre : j’ai toujours adoré lire et écrire. Je trouve que les livres sont des passeurs d’informations incroyables, mais également des pourvoyeurs de courage ! Petite, je rêvais d’être écrivain… Alors je suis reconnaissante finalement à la derma de m’avoir donnée le courage d’écrire mon tout premier livre !
Dès le lancement du compte Instagram « @peau.ssible », j’ai pensé à écrire un livre car je trouvais ce format particulièrement adapté pour aider un maximum de personnes.
Le livre permet de décrire un processus chronologique mai aussi de rassembler en un seul « objet » tout un ensemble d’informations.
Il permet d’être relu aussi. Un livre arrive dans la sphère privée d’une personne, dans ses mains, chez elle, et devient un vrai « partenaire de guérison » ou aide pour les proches. J’adore cette vision des choses et cette puissance de l’objet livre !
Que trouve-t-on dans ton livre ?
C’est LE livre que j’aurais aimé trouver et qui m’aurait fait gagner tellement de temps quand j’en avais besoin…
Il fait 316 pages (sur un grand format) et est donc très complet, à destination autant des personnes atteintes de dermatillomanie ou d’autres troubles et addictions, que les thérapeutes pour mieux comprendre cette pathologie ou les proches pour mieux accompagner ou aider.
J’ai mis 1 an ½ à l’écrire et mes discussions avec de nombreux dermatillomanes tout au long de cette période ont beaucoup nourri mes écrits, pour rendre ce livre le plus utile possible.
Il comprend :
- Toute une partie sur la dermatillomanie (qu’est-ce que ce trouble ?), basée sur les résultats d’une enquête que j’ai lancée auprès des personnes de ma communauté et à laquelle plus de 2000 personnes ont répondu + mes recherches personnelles, des études etc.
- Le descriptif de mon histoire de A à Z (cœur du livre) : comment ça a commencé, qu’est-ce que j’ai testé et qu’est-ce qui a marché & n’a pas marché, quels thérapeutes j’ai vu et que m’ont-ils apporté, comment j’ai réussi à en parler à mes proches, quelles ont été les différentes étapes de ma guérison, etc.
- Toute cette partie est remplie d’encarts avec des informations précises sur : l’alimentation, la relaxation, le soin de la peau, le traitement des cicatrices, la sophrologie, comment choisir un thérapeute, quelles formes de prises en charge gratuites, etc, ainsi que des recommandations de livres, films à voir etc.
- Une partie à destination des proches : que faut-il comprendre ? comment aider ? que faut-il dire et ne pas dire, faire et ne pas faire ?
- Des fiches pratiques avec des conseils ciblés sur les causes de l’acné, le maquillage du teint, des phrases & citations motivantes, un récapitulatif de tous les conseils & astuces, et une fiche à lire juste après une crise pour se remonter le moral.
29 illustrations sont aussi réparties tout au long du livre pour illustrer des situations typiques de la dermatillomanie et donner le sourire !
Le livre peut être commandé partout dans le monde. Il est disponible sur le site Peaussible.
Pour terminer, si tu avais 3 conseils à donner aux personnes atteintes de dermatillomanie :
Ne pas attendre de déclic ou que quelqu’un vous sauve. AGIR pour aller mieux et y croire !
Soigner son mental avant de soigner sa peau.
Se faire aider, notamment pour canaliser son anxiété & ses émotions, mais aussi mieux se connaître et travailler sur d’éventuels déséquilibres intérieurs.
Son livre est en précommande ici : “Mon histoire avec la Dermatillomanie” jusqu’au samedi 10 juillet.
Future naturopathe, elle saura accompagner au mieux les personnes qui souffrent de dermatillomanie.
Compte Instagram à suivre :
Dans le Programme Acné Academy, vous aurez accès à une formation complète sur l’acné, ses causes et ses solutions mais aussi des guides complets sur les solutions skincares adaptées à chaque problématiques cutanées.
Une méthode progressive, pas à pas, issue de plusieurs années de recherches sur le sujet mais aussi de l’expérience tirées de nombreuses consultations avec mes clientes qui subissaient l’acné.
Alimentation, gestion du stress, plantes et compléments alimentaires, toutes mes connaissances en naturopathie regroupées au même endroit, mais aussi, l’intervention d’autres professionnels (sophrologue, experte cosmétique …) pour mieux vous accompagner.
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